posté le 26-12-2019 à 14:04:48
AHMED BENZELIKHA ET LE CERVANTISME, UN DON QUICHOTTE ALGERIEN
Littérature : BENZELIKHA fait du «Cervantisme»
Quatre cents ans après sa
disparition, Miguel de Cervantès continue à chaque génération de
séduire, d'inspirer ou d'influencer les écrivains. Chacun d'eux se sent «le plus proche, cela tient à sa qualité de précurseur de toutes les aventures».
Force
est de constater les romanciers font encore du «Cervantisme» sans le
savoir. «En composant nos œuvres, nous écrivons à partir de Cervantès et
pour Cervantès ; en écrivant sur Cervantès, nous écrivons sur
nous-mêmes… Cervantès reste le point vers lequel toujours convergeront
nos regards», écrira Juan Goytisolo.
Ahmed Benzelikha est l'un de ces
innombrables écrivains qui font chacun à sa manière, suivant sa
sensibilité ou ses rêveries littéraires, fait du «cervantisme».
«La Roqya de Cervantès», paru aux éditions Alpha, illustre ce propos.
Interrogé
au sujet de Miguel de Cervantès, Ahmed Benzelikha répond : «Cervantès
est d'abord le créateur du roman moderne, à ce titre romanciers et
lecteurs, lui sont redevables de ce genre qui donne non seulement à lire
mais aussi à vivre tout un monde imaginaire, fait de personnages de
papier et d'encre, aujourd'hui aussi de plus en plus à consistance
numérique, d'événements plus ou moins fictifs en tout cas inséré dans la
fiction d'une trame. En fait un genre qui nous fait vivre d'autres
vies, car quel est le sujet premier d'un roman ? Si ce n'est la vie. Et
quelle est le propre de ce genre ? Si ce n'est nous posséder d'une
certaine manière ! Nous vivons dans notre tête et notre cœur, à travers
notre imagination, la vie de chaque personnage romanesque.»
Ahmed
Benzelikha estime aussi que Cervantès est «un humaniste qui consacre
l'homme et sa quête problématique à travers Don Quichotte et la liberté à
travers sa rupture avec les traditions littéraires de son époque mais
aussi et surtout à travers la faculté qui est donné aux personnages
d'exprimer des discours différents ou antagonistes, à travers son
invention du roman polyphonique».
Il déclare ensuite que Cervantès se
situe «au confluent de deux cultures, de deux religions, de deux
civilisations, il connait très bien, tant par l'environnement espagnol
de son époque fortement marqué par l'Islam, y compris dans le refus de
celui-ci, que par sa longue captivité à AlgeR,
la civilisation musulmane. On peut même considérer qu'il est le produit
dans son œuvre littéraire de la confrontation, qui ne va pas sans
transformation dans la singularité de l'histoire culturelle de
l'Espagne, de la Chrétienté et de l'Islam. A ce propos, le grand
écrivain espagnol Juan Goytisolo n'a pas manqué de souligner le
caractère mudejar de la littérature espagnole».
À la question de
savoir si, 400 ans après sa disparition, Cervantès est-il toujours,
d'actualité, Ahmed Benzelikha répond : «Cervantès est tout à fait
d'actualité ! D'abord par son œuvre et c'est en cela qu'elle est
remarquable, Don Quichotte est un personnage qui dépasse toutes les
époques et n'en est marqué par aucune, parce qu'il parle à tous les
hommes, peu importe leur époque respective, de sujets qui intéressent
tous les hommes.
En fait, Cervantès reste d'actualité parce qu'il a
toujours quelque chose à nous dire et dans toutes les langues car Don
Quichotte demeure l'œuvre littéraire la plus traduite dans le monde !
Il
est d'actualité, enfin, car à chaque fois qu'un écrivain convoque son
imaginaire mais aussi ses capacités de travailler et d'organiser cet
imaginaire pour écrire un roman, il convoque l'esprit de Cervantès, qui
est non seulement le fondateur du genre, mais aussi l'incontournable
référent de la construction romanesque et de sa puissance signifiante.»