Littérature : BENZELIKHA fait du «Cervantisme»
Quatre cents ans après sa
disparition, Miguel de Cervantès continue à chaque génération de
séduire, d'inspirer ou d'influencer les écrivains. Chacun d'eux se sent «le plus proche, cela tient à sa qualité de précurseur de toutes les aventures».
Force
est de constater les romanciers font encore du «Cervantisme» sans le
savoir. «En composant nos œuvres, nous écrivons à partir de Cervantès et
pour Cervantès ; en écrivant sur Cervantès, nous écrivons sur
nous-mêmes… Cervantès reste le point vers lequel toujours convergeront
nos regards», écrira Juan Goytisolo.
Ahmed Benzelikha est l'un de ces
innombrables écrivains qui font chacun à sa manière, suivant sa
sensibilité ou ses rêveries littéraires, fait du «cervantisme».
«La Roqya de Cervantès», paru aux éditions Alpha, illustre ce propos.
En fait, Cervantès reste d'actualité parce qu'il a toujours quelque chose à nous dire et dans toutes les langues car Don Quichotte demeure l'œuvre littéraire la plus traduite dans le monde !
Il est d'actualité, enfin, car à chaque fois qu'un écrivain convoque son imaginaire mais aussi ses capacités de travailler et d'organiser cet imaginaire pour écrire un roman, il convoque l'esprit de Cervantès, qui est non seulement le fondateur du genre, mais aussi l'incontournable référent de la construction romanesque et de sa puissance signifiante.»
«La roqya de Cervantès»
est un roman écrit par Ahmed Benzelikha et paru aux éditions Alpha, dans
lequel l'écrivain réinvente le mythe de Miguel de Cervantès.
Le roman raconte
l'histoire d'un homme tourmenté par le fantôme d'un écrivain célèbre,
qui n'est autre que le mythique Miguel de Cervantès.
Depuis quelque
temps, Braham voit son père lui venir en rêve et lui exhorter
d'apprendre l'espagnol. Il voit aussi dans ses rêves Cervantès. Ses
rêves affectent de plus en plus sa vie. Il va donc consulter un psy,
mais rien n'y fait. C'est alors qu'il accepte de voir un raqi (un
exorciste). Et à sa grande surprise, l'exorciste découvre que Cervantès a
pris possession de Braham.
Interrogé sur ce qui l'a inspiré à écrire le roman, Ahmed Benzelikha répond : «L'inspiration est une chose difficile à motiver ou même à expliquer, elle relève souvent d'une sorte d'alchimie particulière propre à la créativité littéraire.
Toutefois on peut tenter, quoiqu'a posteriori, de dégager des éléments de motivation. Je crois que deux ou trois choses m'ont poussé à écrire ce roman.
D'abord la portée humaniste, que recèle pour moi, toute entreprise littéraire portée, à mes yeux, à témoigner et à participer de l'éternel humain.
Ensuite mon intérêt pour l'Espagne et sa civilisation, loin des clichés ‘andalousiques', qui, souvent, masquent, pour nous, la riche diversité culturelle de ce pays, auquel j'ai déjà consacré mon précédent roman «La Fontaine de Sidi-Hassan», à travers son héros le peintre espagnol fictif Delbrezecque.
Enfin mon admiration pour cette grande figure de la littérature universelle qu'est Miguel de Cervantès et pour son personnage Don Quichotte.»
Force est de
constater que le roman est une histoire de possession, que le personnage
de Braham est habité par Cervantès. D'où la question : Pourquoi
avez-vous choisi cette démarche ? A cela, l'auteur explique : «En fait,
le personnage est surtout possédé par l'écriture, par la littérature. Le
fantôme de Cervantès ne hante pas les vieux manoirs et n'a rien de
diabolique, il ne fait qu'écrire ! C'est une possession bien singulière.
L'histoire de la possession elle-même est particulière puisqu'elle passe par une demande d'apprentissage de la langue espagnole, légitimée par le fait qu'elle soit revendiquée par le défunt père du héros. S'ajoute à cela une possession toponymique, puisque Braham le héros, dont le nom évoque, peut être, le père des religions monothéistes est possédé par l'esprit littéraire dans la Grotte de Cervantès à Alger.
La grotte renvoie aussi, dans mon roman, aux Dormants d'Ephèse-Ahl el
Kahf et à l'allégorie, connue, que développe Platon. Ainsi entre le
sommeil de Braham, qui accède au Barzach et le discours sur l'illusion
et la réalité que développent l'esprit de Cervantès et l'exorciste Rezki
dans leur dialogue, la possession n'est pas celle qu'on croit et
d'ailleurs, même si le Diable fait une incursion dans le roman, il finit
par s'éclipser car le concept de Lumière sauve en fin de compte et le
héros et son fantôme. Un héros d'ailleurs «fantomatique» puisque nous ne
le voyons vivre qu'à travers le personnage de Cervantès... tout comme
Alonso Quijano vivait à travers Don Quichotte et Cervantès lui-même, en
tant que narrateur, à travers ce dernier.»
C'est dire ainsi que,
suivant le raisonnement de l'écrivain, «la possession est tout un jeu de
miroirs, comme s'en explique le narrateur à la fin du roman».
Avec ce roman, «La roqya de Cervantès», l'écrivain, Ahmed Benzelikha, dit dans une écriture simple, mais ô combien savoureuse ! beaucoup de choses, suscitant des curiosités et donnant du plaisir à ses lecteurs, titillant la sensibilité de chacun et le faisant rêver au-delà des pages vers un imaginaire extraordinaire propre à cet étrange écrivain.
Yacine Idjer
Ahmed Benzelikha, l'écrivain algérien, revisite l'Odyssée et le mythe d'Ulysse, dans un roman méditérranén profondément humaniste.
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